Opération Zatchistka : silence on tue !

Publié le par Theophile


       
                           "Circulez y a rien à voir en Tchétchénie!...."

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Loin des caméras !  Loin des opinions internationales 
Monsieur POUTINE qui vient se pavaner dans nos capitales occidentales supervise le haut commandement de ces actions .

   Les opérations de nettoyage, en russe zatchistka, consistent officiellement à vérifier l?enregistrement des citoyens tchétchènes sur leur lieu de vie et lors de leurs déplacements dans la république de Tchétchénie. Ces opérations donnent lieu à des pillages et à des arrestations systématiques.

Le principe est toujours le même: des unités russes, pouvant compter jusqu?à 4.000 hommes, encerclent de nuit un village entier avec de l?artillerie lourde et des tanks. Les soldats attendent alors le lever du jour pour entrer dans les maisons, piller la nourriture, les meubles et les vêtements, mais surtout, arrêter des «suspects» terroristes. Leurs victimes sont principalement des hommes âgés de 15 à 60 ans. Ils sont ensuite rassemblés dans des « points de filtration » autour du village. Il s?agit généralement de fosses creusées dans la terre, ou de bâtiments désaffectés, que les militaires russes transforment en lieux de torture.

Cette pratique très répandue, qui peut parfois durer de 2 à 12 jours, s?est considérablement intensifiée depuis l?automne 2001. Certains villages, moins pauvres que d?autres, sont plus particulièrement frappés. En février dernier, des habitants du village de Tsotsin-Yourt nous ont ainsi déclaré avoir subi 37 zatchistka depuis le début de la seconde guerre.

    

S'agit-il d?opérations militaires légales?

Ces man?uvres sont prétendument légitimées par l?article 13 de la loi anti-terroriste du 3 juillet 1998. Cette dernière autorise, lors d?opérations anti-terroristes, les soldats russes à entrer dans les maisons pour perquisitionner les voitures ou arrêter des suspects. Mais, il s?agit d?une loi floue. Il n?y a aucune réelle législation en la matière.

Peut-on dire que la guerre a pris, depuis maintenant plus d?un an et demi, un nouveau visage, celui d?une guérilla?

Les militaires russes sont extrêmement présents de par leurs nombreuses exactions. Mais, il y a très peu de vrais combats, et sans véritable ligne de front. Les bombardements massifs du début de la guerre ont été remplacés par ces pillages, enlèvements et meurtres à répétition.

Quelles sont les régions les plus touchées?

Ce sont principalement les régions du centre et du sud de la Tchétchénie. Située au sud-ouest, à proximité des montagnes, la région d?Ourous-Martan est particulièrement visée. Depuis le début de la guerre, elle est connue pour abriter une majorité de combattants tchétchènes. Mais, elle subit depuis peu une nouvelle forme de violence armée. Y sévissent les attaques de ce que l?association russe Mémorial (2), avec laquelle nous travaillons, appelle les «escadrons de la mort». Ce sont des groupes de soldats russes armés et masqués de cagoules noires, qui pénètrent de nuit dans les maisons et enlèvent les jeunes hommes. Autant d?arrestations arbitraires qui se soldent la plupart du temps par des disparitions.

Dans votre rapport, vous parlez d?un «marché des morts et des vivants». De quoi s?agit-il?

Il y a tout un marchandage autour des prisonniers tchétchènes, qu?ils soient morts ou vivants. Il s?agit d?un système parfaitement rodé. Les familles peuvent payer la libération d?un parent prisonnier en versant des sommes, plus ou moins élevées, aux soldats russes. Il est également très fréquent de voir les Tchétchènes acheter, contre 1.000 à 3.000 roubles, le cadavre du disparu.

Ce marché macabre s?est considérablement développé depuis près d?un an et demi, avec l?arrivée du FSB -l?ex-KGB- à la tête des opérations anti-terroristes. Toute une micro-économie s?est donc mise en place et généralisée autour de ces nettoyages. La Tchétchénie est véritablement devenue un pays à piller. Selon nous, il s?agit même d?une des raisons pour lesquelles la guerre perdure.

Selon vous, ces opérations résultent donc d?un système organisé, et non d?exactions isolées?

Exactement. Si le discours officiel russe prétexte des débordements ou des cas de désobéissance isolés, le déroulement même des arrestations et des détentions de Tchétchènes tend à prouver le contraire. Les prisonniers tchétchènes, enlevés lors de nettoyages ou à des postes de contrôle, sont emmenés dans des lieux de détention légale, comme les isolateurs de détention provisoire, IVS en russe, mais, plus souvent, dans des lieux de détention illégale. Ce sont en général des fosses, des usines désaffectées, ou encore des antennes locales du FSB.

La présence de fosses communes à Khankala, le quartier général des forces fédérales en Tchétchénie situé en banlieue de Grozny, est elle aussi avérée. Elle confirme l?existence d?un système centralisé. Les familles de victimes savent ainsi que, pour libérer contre rançon un parent arrêté sur le territoire tchétchène, elles peuvent se rendre à Khankala. C?est une sorte de non-dit connu de tous.

Vous avez parlé des arrestations et meurtres visant la population masculine. Qu?en est-il des femmes ? Avez-vous réussi à obtenir des témoignages de viols commis lors des opérations de nettoyage?

Dans la société tchétchène, le viol est un acte déshonorant qui touche toute la famille de la victime. La femme violée étant généralement répudiée par son mari, elle ne cherchera donc à témoigner. Bien au contraire.

La population civile a-t-elle ressenti une intensification de la violence armée suite au 11 septembre 2001?

Vladimir Poutine et le commandement russe se sont, sans aucun doute, sentis plus légitimés. Mais nous ne pouvons pas réellement parler d?intensification flagrante.

Quels sont les recours judiciaires des victimes tchétchènes?

Les rares tribunaux tchétchènes, qui ne sont rouverts que depuis janvier 2001, exercent une justice à double vitesse. Si l?on s?empresse de juger les Tchétchènes, les enquêtes criminelles à l?encontre des soldats russes sont souvent suspendues. Quand les soldats ne sont pas acquittés ou jugés «irresponsables», comme ce fut le cas dernièrement lors du retentissant procès du colonel Boudanov. Des enquêtes criminelles sont donc fréquemment ouvertes, mais n?aboutissent que très rarement. Jusqu?à présent, seuls 30 militaires ont été condamnés par la justice civile. Et nous ne connaissons pas les affaires traitées par les tribunaux militaires, dont relèvent par exemple les unités du ministère de la Défense.

Les militaires russes jouissent donc d?une impunité quasi-totale?

Oui. Bien plus que cela, il s?agit d?un système organisé, reposant sur la non-identification des criminels. Lors des nettoyages, les soldats se rendent souvent méconnaissables en se masquant, ou en camouflant la plaque d?immatriculation de leur véhicule par de la boue. D?où l?impossibilité de déterminer à quelle unité ou division ils appartiennent. Un problème qui prend toute son ampleur si l?on considère la complexité de l?infrastructure militaire russe en Tchétchénie. Il y a, en effet, de nombreuses unités impliquées dans le conflit depuis le FSB, le ministère de l?Intérieur jusqu?au ministère des Situations d?urgence.

Certains soldats russes devancent même toute poursuite judiciaire. Il arrive que des familles, rachetant le corps d?un fils exécuté, aient ainsi à signer une déclaration stipulant que le défunt était un combattant. Un moyen efficace auquel ont recours les militaires, quand ce ne sont pas simplement des menaces de représailles.

Vous vous êtes, par ailleurs, rendue dans les camps de réfugiés tchétchènes en Ingouchie. Qu?avez-vous constaté?

Nous avons visité les camps de Karaboulak et Malgobek, et rencontré des réfugiés dans les locaux de Mémorial à Nazran, la capitale ingouche. D?après les témoignages recueillis et nos propres constatations, les infrastructures sont minimes. Les réfugiés dorment dans des tentes du HCR, le Haut-Commissariat des Nations Unis aux Réfugiés, et jusqu?à très récemment, dans des wagons de train. Une situation peu reluisante qui s?accompagne notamment de nombreuses coupures d?eau et d?une précarité permanente.

L?exode tchétchène se poursuit-il?

On estime à 200.000 réfugiés tchétchènes présents en Ingouchie. Mais, l?exode est difficilement identifiable. Les nombreux allers-retours quotidiens entre ces deux pays frontaliers font qu?il ne s?agit ici que d?une estimation. Ce sont surtout des femmes tchétchènes qui traversent la frontière pour se rendre en Ingouchie, et vendre sur le marché des produits artisanaux ou voir de la famille.

En mars dernier, Mourad Ziazikov, ancien général du FSB soutenu par le Kremlin, a été nommé à la tête de l?Ingouchie. Peut-on s?attendre à un durcissement des autorités ingouches à l?égard des réfugiés tchétchènes?

Des pressions sont d?ores et déjà exercées sur les réfugiés pour qu?ils rentrent en Tchétchénie. Des promesses d?aide financière sans lendemain ont également été tenues aux 2.000 premiers réfugiés à rentrer. Nous pouvons également constater qu?une partie de l?aide humanitaire n?arrive plus et que des fonds seraient bloqués par les autorités ingouches.

Enfin, quelle sera «l?après-mission»?

Ce rapport a été réalisé pour la 58e session de la Commission des droits de l?Homme de l?ONU. Dans la pratique, je reste dubitative sur l?efficacité des mesures qui pourraient être prises. Reste que l?un de nos objectifs est aussi de témoigner d?un conflit malheureusement peu médiatisé.


1 Le rapport de la mission est disponible sur www.fidh.org. Tchétchénie. Terreur et impunité : Un système organisé, mars 2002, n°328 - Hors-série de la Lettre mensuelle de la FIDH.
Auteurs du rapport : Anne Le Huérou, Bleuenn Isambard, Juliane Falloux.
2 Mémorial est une association russe de défense des droits de l?homme. Elle dispose d?un site Internet : www.memo.ru

Publié dans sos-tchetchenie

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